Gendarmerie et 51 Logements

TISSER LE LIEN : UN PARC HABITÉ AU CŒUR DE LA CITÉ

Un projet architectural ne naît jamais ex nihilo. Il est la réponse sensible à un lieu, à son histoire, à ses murmures. Il est le fruit d’une écoute attentive. Face à l’emprise du quartier Léonard Gille à Vire, notre première démarche n’a pas été de dessiner, mais de comprendre. Comprendre l’enclave, ce terrain complexe, à la fois détaché de son axe majeur et pourtant riche d’un potentiel de vie, masqué par un patrimoine végétal remarquable.

Là où d’autres auraient vu une contrainte, nous avons perçu une promesse : celle de transformer une parcelle introvertie en un lieu de vie apaisé et ouvert, de faire d’un territoire en reconversion une couture délicate avec le quartier existant.

LE PARC COMME MATRICE DU PROJET

Le parti pris fondamental est celui du paysage. Le parc n’est pas un accompagnement du projet, il en est la matrice, le terreau fertile. Les arbres majestueux existants – ce cèdre, ce saule, ces bouleaux – sont plus que de la végétation ; ils sont les gardiens de la mémoire du site. Notre première conviction fut de les conserver. L’implantation des bâtiments en découle logiquement, dans un dialogue humble et respectueux avec cette nature préexistante.

Les deux immeubles collectifs viennent se glisser entre les masses arborées, leurs volumes fragmentés et leurs façades jouant de reflets pour capter la lumière filtrant à travers le feuillage. Les maisons individuelles, quant à elles, s’organisent au nord du site, créant une transition d’échelle douce avec les habitations voisines. Elles s’articulent autour d’une cour conviviale, à la façon d’une villa urbaine, favorisant les échanges et le sentiment d’appartenance.

L’ensemble compose un parc habité, où les cheminements épousent le terrain naturel et où la plus grande partie du sol reste perméable. C’est une invitation à la promenade, un cadre verdoyant qui sert à la fois de filtre visuel, de zone de fraîcheur et de support à la biodiversité. Le projet tisse ainsi un double lien : un lien social entre les nouveaux habitants et les résidents du quartier, et un lien écologique, en renforçant la trame verte de la ville.

DEUX ENTITÉS, UNE MÊME INTÉGRATION

Le programme, dans sa dualité – logements et gendarmerie – exigeait une réponse fine, capable de concilier l’ouverture nécessaire à la vie de quartier et la sécurité indispensable à la fonction de caserne. L’enceinte logements et l’enceinte gendarmerie forment deux entités distinctes, mais leur traitement architectural et paysager les inscrit dans une vision d’ensemble cohérente. La gendarmerie, positionnée stratégiquement sur la pointe sud, présente un double visage : une façade institutionnelle, ouverte sur l’espace public, et des espaces plus confidentiels, préservés au cœur du dispositif. Loin de l’image d’une forteresse, elle s’intègre au projet global par la continuité des matériaux et de l’aménagement paysager.

FAIRE AVEC : LA SALLE DE QUARTIER VALORISÉE

Dans une démarche de frugalité et de maîtrise des dépenses énergétiques, nous avons porté un regard attentif sur l’existant. Plutôt que la politique de la table rase, nous avons fait le choix de la conservation et de la transformation. La salle de quartier, un bâtiment récent et en excellent état, est ainsi partiellement conservée. Mieux, elle est valorisée et rhabillée d’une vêture de bois qui la fond dans le parc et lui confère l’aspect qui convient à l’usage avec un matériau vivant et chaleureux.

Ce choix est un acte fort. En limitant les démolitions, nous réduisons l’empreinte carbone du chantier et nous maîtrisons les coûts. Mais au-delà de l’aspect économique, c’est une décision philosophique : la meilleure économie est la dépense que l’on ne fait pas. L’aile ouest et la verrière sont démolies pour ne garder que le corps principal, dont la volumétrie et le positionnement sont idéaux. L’ouvrage, déclassé de son statut d’Établissement Recevant du Public (ERP), est requalifié en un local commun résidentiel. Il devient le cœur battant de la nouvelle résidence, un lieu de convivialité et de partage, un pivot entre l’espace de travail des gendarmes et leur lieu d’habitation. Il porte en lui l’histoire du lieu tout en s’inscrivant dans son avenir.

PÉRENNITÉ ET RÉVERSIBILITÉ : PENSER À LONG TERME

Une architecture responsable se doit d’anticiper les évolutions futures. La réversibilité est au cœur de notre conception. La trame constructive des logements collectifs, simple et rationnelle, autorise une grande flexibilité. Les grands appartements T4, par exemple, sont conçus pour pouvoir être aisément divisibles en deux logements T2, répondant ainsi aux futurs besoins de densification ou aux évolutions des modes de vie. Le simple remplacement d’une menuiserie et l’ajout d’une cloison légère permettront cette mutation sans intervention lourde sur la structure ou l’enveloppe. C’est la garantie d’un patrimoine durable, capable de s’adapter au fil du temps.

Ce projet transforme donc une enclave en un écosystème vivant : une architecture qui ne s’impose pas, mais qui compose avec le lieu, son histoire et ses habitants pour créer un cadre de vie et de travail de qualité, fonctionnel et confortable pour ses futurs membres de la cité.